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Photo du rédacteurAstrid Filliol

Quand l'Orient et l'Occident se rencontrent : Entretien avec le Dr Guy Taïeb sur le Shiatsu, le Stress et l'Harmonie Intérieure

À l'occasion de sa récente intervention à l'Université d'Été, le Dr Guy Taïeb, médecin cardiologue passionné et explorateur de l'âme humaine, a partagé une vision fascinante sur la gestion du stress et l'importance de l'harmonie entre corps et esprit. Dans cette interview, il revient sur son parcours singulier : de la médecine occidentale à la découverte de la philosophie orientale, et commente ses nombreux voyages, notamment en Asie, l'ont ouvert à de nouvelles approches de la santé et du bien-être. À travers un dialogue inspirant avec Astrid Filliol, il dévoile les enseignements qu'il tire du shiatsu, de la médecine traditionnelle chinoise, et de la biologie pour nourrir une approche humaine et bienveillante de la médecine. Le Dr Taïeb nous invite à repenser notre rapport à la santé, au toucher, et à la prévention, tout en cultivant la connexion fraternelle entre tous les êtres vivants.


Interview Astrid Filliol pour l'UFPST

Bonjour Guy,

Peux-tu nous parler de toi, de ta personne, de ce qui t’a mené jusqu’à être ici ?

Toi médecin, avec tes certitudes issues de la médecine occidentale, qu’est-ce qui t’a amené à penser que la médecine orientale pouvait être un atout sur le plan philosophique, sur le plan de l’approche de l’autre, du diagnostic, de la prévention, un complément /un partenaire de la médecine occidentale ?

Qu’est-ce qui peut te positionner comme le porte-drapeau de cette école alors que tout semble être si construit chez toi sur un autre mode à l’origine. Dans ton enfance des situations t’ont prédisposé à cette ouverture ?

Tes nombreux voyages t’ont fait découvrir des lumières ailleurs ? 

  

Le point de bascule c’est à partir de mes voyages en effet. Il y a deux grands enseignements qui m’ont permis de me construire : c’est d’abord le fait de comparer mon corps, la société cellulaire, et la communauté humaine. C’est très important pour moi. J’essaie de voir comment les cellules sont organisées entre elles, quels sont leurs secrets parce que cela fonctionne tellement bien et quels sont les problèmes humains actuels et comment on peut essayer de comprendre que l’être humain dans sa société planétaire a des solutions qui l’attendent puisqu’il les a en lui. C’est cela qui me motive beaucoup : en approfondissant la connaissance du corps, je sais qu’il y a des solutions.


Ce que tu viens de souligner, c'est la clef de ton raisonnement. 


C’est l’une des clefs. En fait, les sociétés cellulaires sont hyper bien organisées. Plus j'étudie, plus je vois que c’est extrêmement élaboré comme intelligence fonctionnelle et je m’aperçois que les êtres humains sur cette planète ne savent pas comment s’organiser, ne savent pas coexister. Et je l’explique par le fait que les cellules ont une expérience de vie commune de deux milliards d’années. Elles vivent ensemble depuis longtemps, elles ont trouvé des solutions de coexistence. Ne serait-ce que l’homéostasie, ce ni trop ni trop peu, la voie du milieu, elles l’ont complètement intériorisée.  Alors que les êtres humains ont une expérience de vie en société de 100 000 ans peut-être.  Ce n’est rien. Donc à mes yeux les êtres humains sont des êtres immatures encore d’un point de vue social. Ils n’ont pas compris le béa ba de la coexistence. Cela signifie que la planète est en train d’être détruite, d’être extrêmement en danger, et tu vois que les êtres humains passent leur temps à s’envoyer des missiles. Ils sont en train de couper les branches sur lesquelles ils sont assis. Il y a une non intelligence fondamentale qui est due à une non expérience. Le problème c’est que pour arriver à l’expérience des cellules il faut du temps. Aurons-nous le temps ? Je ne le sais pas. Il y a un danger réel et j’essaie d’apporter un peu de positif. C’est comme l’histoire du colibri. La savane est en feu et il y a un colibri qui jette une petite goutte d’eau. Cela parait dérisoire. Mais on ne peut faire beaucoup plus sauf à essayer de demander aux autres de faire aussi les colibris.  

 

C’est la vertu de l’exemple.


Oui et cela rejoint la biologie. Notre corps est fait de milliards de cellules et chaque cellule a une part de responsabilité. Je sais que je suis comme une cellule dans un ensemble et j’essaie de faire ma part pour l’ensemble. Et c’est pour cela que la fraternité que je ressens pour vous, pour les autres, c’est comme si j’étais une cellule dans un organisme où les cellules sont liées par un lien fraternel car elle participe du même organisme. On est dans un monde où nous sommes tous dans un même organisme et chaque être est un frère ou une sœur l’un pour l’autre, même s’ils n’en ont pas conscience.


C’est ce que l’on découvre dans la pratique du shiatsu, cette connexion ?


Justement ce qui change aussi beaucoup dans le monde occidental, c’est la connexion tactile. On ne se touche pas. C’est très suspect de se toucher. Si je te touche, tu vas te dire mais c’est quoi, es-tu en train de me draguer etc. Le toucher est devenu tabou. Alors qu’il est fondamental dans la communication.  Avec le shiatsu ne serait-ce que de toucher l’autre, d’un point de vue bienveillant, même si cela n’est pas d’une grande technicité, cela apporte énormément dans la relation et dans la sensation d’existence.  Et quand il est bien élaboré, le shiatsu est un complément essentiel à la médecine occidentale qui apporte des solutions à beaucoup de problèmes, les infections etc…mais elle manque de prévention, de détection des processus pathologiques alors que la médecine orientale comme la MTC va être très à l’écoute de ces signes précurseurs.  Elle va essayer de prévenir avant qu’il y ait une installation de la pathologie.  J’apprécie beaucoup cette complémentarité.


Et il y a une responsabilité du médecin chinois aussi. C’est un peu inversé non ?


Oui, le médecin chinois doit s’assurer que son patient ne soit pas malade.


Cette prise de conscience tu l’as eue à quel âge ?


J’ai l’impression que j’ai toujours eu cette intuition et qu’elle s’est confortée par les études et aussi beaucoup par les voyages. En particulier en Inde, en Asie du sud-est, j’ai fait beaucoup de voyages et à chaque fois j’ai rencontré une autre façon de comprendre l’existence avec des solutions qui m’ont été données et que j’ai adoptées. Donc j’ai pris des secrets de ces pays, de ces civilisations et j’en ai fait pour moi une synthèse qui est la base de mon enseignement. 


Et la base de ta vie aussi ?


Ah oui totalement. 


Donc tu enseignes ce que tu es ? En tous les cas, ce à quoi tu crois ?


Vraiment. Je ne dis rien que je n’ai pas moi-même expérimenté. Pour tout te dire, si je devais résumer mon personnage, c’est : transmetteur. Cela veut dire : j’explore un domaine. Lorsque je l’ai bien connu et bien apprécié, je le transmets. C’est valable pour le yoga, le shiatsu, le tango, la médecine, même les voyages. J’ai fait guide de voyage, de trekking, pendant longtemps, au Népal, en Indonésie. J’ai accompagné des tas de groupes de voyage par exemple en Asie du sud-est et en Indonésie que je connais très bien.  Je suis allé pour la première fois en Indonésie en 1970, et j’ai adoré ce pays. Une fois rentré en France j’ai appris la langue et j’y ai refait de nombreux voyages au point qu’une agence m’a proposé de faire des accompagnements. Ayant remporté un certain succès, j’ai continué cette activité jusqu’à faire découvrir les îles de Sulawesi. A la fois j’y ai apporté ma connaissance en tant que médecin et en plus j’ai appris des traditions de ces peuples « primitifs ».


Qu’as-tu retenu de l’Indonésie ?


L’île qui m’a séduite c’est l’île de Bali. C’est exactement l’harmonie totale entre les hommes, les animaux, les temples, les dieux, la nature.  C’était comme le dit Gandhi : « le matin du monde ».  Vraiment un endroit où quel que soit le regard que tu portais à droite et à gauche, c’était une merveille de nature, avec partout des temples et des personnes qui apportent des offrandes, des cérémonies de processions.  J’en ai encore le frisson de cet enchantement que j’ai vécu là-bas. Au point que j’ai tellement adoré ce lieu que j’ai fait comme un serment « je te reverrai quel que soit les circonstances ; quand je retournerai en France, on essaiera de m’enchaîner mais je reviendrai toujours te voir. » Et donc j’ai fait en sorte justement même en étant médecin de choisir des services où les patrons acceptaient que de temps en temps je parte et que je revienne. Car ils avaient compris qu' en partant je ramenai aussi quelque chose d’assez précieux du point de vue de l’esprit. Donc j’ai pu concilier à la fois ma pratique hospitalière et les voyages.


Mais qu’as-tu rapporté de là-bas ?


L’harmonie. C’est-à-dire voir que les hommes, les animaux, les temples étaient dans un ensemble de coexistence d’une harmonie et d’une beauté totales.  J’avais l’impression que c’était l’exemple même d’une cohabitation harmonieuse de plus entre les hommes et les dieux. Il y avait une vie spirituelle permanente avec des offrandes en lien avec l’au-delà.

Dans ces pays où les conditions de vie sont assez difficiles, les gens ont une réactivité très positive. Ils sont volontaires, ne rechignent pas à s’investir alors qu’en France les enfants sont tellement sécurisés qu’ils sont désabusés. L’omni présence sur les réseaux, le désintérêt pour l’école, alors que dans certains pays les enfants font 25 km à pied pour aller à l’école. On est dans une forme de décadence, on est trop protégé.


Quand t’ouvres-tu au shiatsu et quand vois-tu une cohérence avec la médecine ?

Quand développes-tu ton talent pour construire un genre de kit du bonheur à transmettre ?

D’ailleurs quel est le message à nous délivrer pour l’épanouissement personnel, construire un monde meilleur ?


Quelle a été l’importance du shiatsu dans ma vie ? J’ai compris très vite que la médecine occidentale avait ses limites. Il y a beaucoup de domaines où il n’y a pas vraiment de réponse à certaines pathologies, à certains mal-être, certains dysfonctionnements, et j’ai toujours pensé qu’il y avait des moyens complémentaires pour apporter des solutions à ce type d’impasses. Et concernant la MTC, aussi bien l'acupuncture que le shiatsu, j’ai constaté même avec ma petite pratique, (je ne suis pas un praticien installé), à chaque fois que j’ai donné un soin d'acupuncture ou de shiatsu cela apportait beaucoup de soulagement par rapport au mal être. J’ai constaté que cela améliorait considérablement l’état général de la personne. J’ai fait 4 ans d’acupuncture à Paris dans les années 80/83 puis j’ai eu ma pratique de cardio qui m’a absorbée et 15 ans après, dans les années 2000, j’ai rencontré Bernard. C’est là que cela m’a reconnecté car j’ai compris que le shiatsu était très proche de l'acupuncture. Je l’ai rencontré dans la salle où je pratiquais le yoga. J’ai suivi son enseignement puis j’ai mis en pratique celui-ci par la suite soit sur des patients qui venaient vers moi spontanément, soit via des initiations à mes élèves, je leur enseignais la théorie (les méridiens) et une pratique.   J’ai beaucoup donné à un entourage d’amis et de proches que cela a pu aider de manière ponctuelle avec de gros effets positifs. J’ai fait les manœuvres du ciel, très efficaces …


Maintenant à 78 ans comment comptes tu aborder cette 3eme partie de vie ?


Comment je l’aborde alors que je suis à la retraite ? On me propose de donner des cours dans deux écoles différentes. C’est-à-dire que j’aurai le double de cours que je n’ai jamais eus dans ma vie antérieure.  Je pense que pour rester en bonne forme il faut être en activité. Mais ni trop ni trop peu. C’est un test que je vais faire cette année. Je m’engage pour un an. Le fait de transmettre et de sentir  que cela passe, cela entretient forcément. 

    

Mais j’imagine que d’être avec des visages jeunes qui apprennent, cela ne te donne-t-il pas le sentiment d’une certaine vitalité ?


Oui et je fais du sport avec eux : tous les lundis je pratique le volley ball avec des personnes de 20/22 ans. Cela donne une certaine jeunesse.

Cette année je me suis engagé à faire beaucoup de cours car cela me fait d’abord plaisir de transmettre et j’ai beaucoup à transmettre. Je vais voir si cela m’épuise ou pas, sinon je rétrograde. Je suis dans cette dynamique d’action plutôt que dans le retrait. Mais j’aime aussi me retirer seul dans la nature dans ma maison du Morvan par exemple. Je suis à la fois très méditatif, contemplatif et en même temps j’aime donner, transmettre.


En conclusion pourrais-tu nous dire pourquoi tu t’investis autant dans ce milieu du shiatsu ?


Je fréquente actuellement trois types de milieu : le tango, le yoga et le shiatsu. Le milieu du tango est extrêmement fermé. Je n’ai pratiquement pas de communication avec les gens car chacun est dans sa bulle. Le yoga est un peu plus ouvert mais les praticiens ne sont pas assez réceptifs à mon goût. Par contre depuis que je suis en contact avec la population du shiatsu, de Bernard, de vous, cela fait plus de 15 ans, j’ai trouvé des personnes très ouvertes et à la recherche de solutions dans la vie. Et je trouve que c’est un grand plaisir pour moi de vous transmettre car je vous sens très réceptifs. Cette communauté me parait très compatible avec mon action. Donc j’adore !


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